Quand l’accès à l’alimentation saine et durable devient un droit

Quand l’accès à l’alimentation saine et durable devient un droit
E.M.

Le projet de l’association « Le Maquis », dans le Sud Luberon, propose une innovation locale : une « Carte Vitale » alimentaire, garantissant un accès à une alimentation saine et durable, tout en soutenant les producteurs locaux. Ce projet vise une transformation sociale en assurant à chacun l’accès à des produits locaux de qualité, dépassant la simple modernisation de l’aide alimentaire.

Un podcast réalisé par Caroline Paul

Ouste !
La malnutrition ne concerne pas uniquement les pays en voie de développement. En France, en 2021, plus de 8 millions de personnes dépendaient de l’aide alimentaire pour se nourrir, un chiffre trois fois supérieur à celui de 2005. Aujourd’hui, nous nous intéressons à une initiative locale innovante dans le subluberon portée par l’association Au Maquis. Ce projet propose un accès à la sécurité sociale de l’alimentation, une sorte de carte vitale alimentaire permettant à toutes et tous de pouvoir choisir une alimentation saine et durable tout en soutenant les productrices et producteurs locaux. Il est important de souligner que ce projet n’est pas une simple modernisation de l’aide alimentaire, c’est une véritable démarche de transformation sociale, une réforme qui assure à chacune et chacun l’accès à des produits locaux de qualité. Pour parler de la sécurité sociale de l’alimentation, Eric Gauthier, bonjour Eric.

Éric Gauthier
Bonjour Caroline.

Ouste !
Est-ce que tu peux nous parler de ton rôle dans l’association Au Maquis ?

Éric Gauthier
Au Maquis, moi je suis animateur, on est une équipe d’animateurs et d’animatrices et on travaille sur les questions de liens sociaux dans nos villages et en lien avec les grandes villes du territoire. On utilise beaucoup la question de l’alimentation, de comment on fait société ensemble autour de l’alimentation. En réponse aux tensions qu’on pouvait identifier, qu’elles soient dans nos actions rurales ou dans nos actions urbaines, la proposition de sécurité sociale de l’alimentation nous a paru être une proposition enthousiasmante.

Ouste !
Tu peux nous en dire plus par rapport au fonctionnement ?

Éric Gauthier
La CLAC, comme on l’appelle, pour la Caisse Locale de l’Alimentation de Cadenet. Elle a réellement démarré de façon opérante en avril 2024, mais pour autant le travail de construction démocratique, lui, a commencé en 2021. Aujourd’hui, on a 33 habitantes de Cadenet d’âge, d’origine, de revenus, de lieux d’habitat différents, qui, tous les mois vont pouvoir dépenser jusqu’à hauteur de 150 euros d’une alimentation conventionnée et donc qui vient répondre à des critères qui ont été établis par le groupe d’avant. En fonction de la correspondance avec l’avenir alimentaire désirable qui a été défini, il y a des critères de conventionnement, la santé, les enjeux environnementaux, le bien-être au travail des personnes sur les unités de production, l’indépendance vis-à-vis de l’agro-industrie, la taille de l’unité de production, etc. Et en fonction de ces évaluations-là, les produits sont pris en charge à 30, à 70 ou à 100%. Ou pas du tout. Et donc en fin de mois, les claquistes, comme on les appelle, vont venir avec l’ensemble de leur ticket de caisse et à partir de là, ils vont être remboursés de la somme qu’ils ont dépensée. Ce n’est pas un droit qu’il aurait ouvert de recevoir 150 euros, c’est un remboursement sur ce qu’ils dépensent. Donc effectivement, certains vont dépenser moins parce qu’ils n’en ont pas besoin. Donc effectivement, là-dedans, il y a des familles avec des couples et des enfants, il y a des personnes seules, ils n’ont pas les mêmes besoins. Et donc en fait, il y a des fois de l’argent qui n’est pas dépensé et qui part dans une autre caisse dont un jour ils décideront quoi faire avec.

Ouste !
Les personnes qui bénéficient de cette aide ? Qui sont-ils ?

Éric Gauthier
C’est des habitants habitantes de Cadenet qui ne se considèrent pas comme bénéficiaires pour le coup et qui préfèrent se nommer usagères usagées. Quand tu fais des réunions qui vont durer 7-8 heures dans le mois, c’est une participation en tant que telle. Donc en fait, ils ne sont pas bénéficiaires. Effectivement, ils ne viennent pas juste pour recevoir un truc qui leur est dû. Ils sont usagés d’un outil commun qu’ils co-gèrent ensemble au quotidien. Tout ça, c’est une vraie co-gestion qui est assez chouette à regarder.

Marie Noailles
J’essaye au maximum de donner de moi-même. Je pense que si je pouvais faire plus, je ferais plus. Pour moi, la priorité, c’est surtout le partage.

Éric Gauthier
Ces gens ont transformé ma vie. Ces trois dernières années, je me suis rendu compte que c’était complètement possible. et pas très compliqué de faire société, d’échanger avec des gens qui ne sont pas du tout pareils. Le groupe est vraiment très différent. Je ne vais pas faire de classification pour opposer des groupes sociaux, parce que vraiment, ils font un groupe social en eux-mêmes, avec toutes leurs différences, et dans l’écoute. Et franchement, pour moi, c’est le plus beau message d’espoir démocratique que j’ai vu depuis que je suis petit. Oust !

Marie Noailles
Je me présente, Marie Noailles, et j’habite Cadenet, et je fais partie de la CLAC. La CLAC, alors, c’est le principe de la sécurité sociale maladie. Sauf que là, ce n’est pas l’alimentation. Ça permet de rencontrer des gens très intéressants. Et ça, là, je suis agréablement surprise parce que, comment je pourrais dire, les gens sont posés, c’est humain, ce qu’on a autour de nous là.

Éric Gauthier
Ils ont été choisis dans la rue à Cadenet. On a distribué des tracts pendant quelques jours à la rentrée en 2023 pour inviter les gens à une réunion publique au mois d’octobre. On a la chance d’être suivi depuis le début de l’expérimentation par une chercheuse, donc sociologue, et du coup elle est là à toute nos réunions. Et donc c’est chouette parce qu’elle objective aussi un peu nos résultats. Donc là ce qu’on se rend compte c’est que le panel qu’on a en fait est pas mal représentatif de la population de Cadenais en termes d’âge, de diversité, etc. Du coup c’est assez rigolo. Il faut cette chance là.

Ouste !
Est-ce qu’il y a une cotisation justement ?

Éric Gauthier
La cotisation c’est… la gestion populaire sur l’argent du travail. C’est quand même un mot qui est très spécifique et qui, je pense, est important de ne pas galvauder. C’est pour ça qu’on tient à parler de contributions volontaires qui sont plutôt liées au salaire net. Nous, à Cadenet, on a fait le choix au sein du CLAC de ne pas demander de contributions volontaires aux futurs usagers et usagères parce qu’on avait envie de reproduire… un cadre d’expérimentation comme si la sécurité sociale de l’alimentation existait déjà et que la cotisation avait été prise sur ton lieu de travail, dans ton entreprise et que toi, comme tous les autres Français autour de toi, tu pouvais recevoir une allocation de 150 euros par mois.

Ouste !
Donc il n’y a pas de contribution, donc d’où vient l’argent ?

Éric Gauthier
Aujourd’hui, l’argent vient de la Fondation de France. On sait clairement que c’est un financement complètement imparfait. que pour autant Au Maquis nous on milite pour que les gens payent leurs impôts de manière normale, de manière à ce que l’État ait les moyens de pouvoir mettre en œuvre une action publique de qualité et accessible à toutes. Nous on voudrait aujourd’hui créer des territoires 100% alimentation choisie, de créer l’universalité de la… de la sécurité sociale, parce qu’aujourd’hui, nous, avec nos 33 personnes, on est très loin de l’universalité, on a bien compris. Et une loi d’expérimentation qui viendrait recevoir ces fonds, des fonds de la sécurité sociale, des fonds du régime général, là où on parle en centaines de milliards, en fait. Donc on pourrait enfin avoir des vrais sous pour avancer de manière plus concrète et plus universelle là-dessus. Sachant que faire le lien entre alimentation et santé est assez rapide, que des gens qui ont accès à une alimentation choisie et de qualité ont potentiellement moins de maladies cardiovasculaires, de cancers, de diabète, d’obésité, etc. Et donc on parle de plusieurs dizaines de milliards d’euros de dépenses de la Sécu pour ces maladies-là. Ouste ! Est-ce qu’on peut envisager une extension sur le territoire à l’avenir ?

Éric Gauthier
Oui ! C’est ça que je veux voir advenir un jour. C’est comment est-ce qu’on va réussir à rendre ce truc-là plus universel, de manière à continuer à montrer que ça fonctionne et mettre la pression à l’État pour un jour faire voter une vraie loi de mise en place d’une nouvelle cotisation sociale pour une sécurité sociale de l’alimentation. Et les prochaines étapes vers ça, pour moi, c’est justement ce travail qu’on est en train de mener pour essayer d’écrire une… un projet de loi d’expérimentation sur lequel on viendrait chercher l’argent de la sécurité sociale justement pour financer des expérimentations à hauteur du village entier. Vraiment, ce que je souhaiterais, c’est qu’un jour, les habitants de Cadenet, dans leur ensemble, aient une carte comme ça et qu’on voit ce que ça donne pendant 5 ou 10 ans. Ça, ce serait une des possibilités. Après, la deuxième, c’est de continuer à créer des… des espaces de conventions citoyennes dans d’autres villages du sud Luberon. Là, il y a une expérimentation qui commence à se lancer sur Pertuis. Il y a des gens à Mallemort qui aimeraient bien lancer des trucs. Il y a des gens qui aimeraient bien aussi sur Gardanne, sur Jouques. Là, il y a des habitants de la Tour d’Aigues aussi qui réfléchissent. Donc, de voir dans quelle mesure, à force, si dans tous les villages, on crée des espaces comme ça de conventions citoyennes. voir ce qu’il en sort et puis un jour de les comparer, d’essayer de faire pouvoir aussi à travers de ça. Vraiment, je pense que c’est un outil qui est hyper enthousiasmant à s’emparer.

Ouste !
Merci beaucoup Eric. Éric Gauthier Je t’en prie, merci à toi de t’intéresser.

Ouste !
Merci à nos invités d’avoir répondu à nos questions. Pour en savoir plus, je vous conseille vivement de faire un tour sur le site internet. Pour les contacter, participer et rejoindre le collectif Luberon pour une sécurité sociale de l’alimentation, vous pouvez écrire à contact at aumaquis.org. Et pour approfondir le sujet, vous pouvez également visiter le site de la sécurité sociale alimentaire.
C’était Caroline pour Ouste ! A bientôt !

Éric Gauthier
Ouste !

Entretien réalisé par Caroline Paul

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